« Je sors maman ! » lança-t-elle en dévalant les escaliers. Elle n’eut pas le temps d’entendre la réponse de la femme, que déjà elle marchait les rues de la ville. A cette heure-ci, les gens rentraient du travail, retrouvaient leurs familles. Primrose, elle, avait besoin de calme et de solitude. Ronan venait de lui envoyer un message pour lui dire qu’il ne viendrait pas la voir, et elle était dévastée. Oui, cette relation tournait au cauchemar, elle n’avait plus l’impression de contrôler quoi que ce soit. Elle serra les poings pour ne pas pleurer, ignora le garçon qui la siffla depuis la vitre de la voiture. Primrose était jolie, elle pouvait avoir qui elle voulait. Mais peu importait, parce qu’elle n’en voulait qu’un : Ronan. Depuis près de cinq ans, personne d’autre que lui n’avait réussi à prendre la place qu’il occupait dans son cœur. Cela faisait deux ans qu’ils étaient ensemble, les plus belles de sa vie … Mais aussi les pires. Elle percuta une femme qui tenait un petit garçon par la main et s’écarta vivement, avant de mettre sa main devant sa bouche. « Désolée … » dit-elle. « Ah vous pouvez oui ! » lança l’autre en s’éloignant. Elle sortit son portable, hésita à appeler June. Mais cette dernière avait un repas de famille ou quelconque chose de ce genre et elle ne voulait pas la déranger. Arrivée à la place, elle quitta ses chaussures et marcha dans le sable en regardant le soleil orangé se refléter poétiquement sur l’eau. Seul le bruit des vagues et le rire de quelques enfants qui couraient venaient troubler la quiétude de cette fin d’après-midi. Primrose repéra alors une silhouette familière assise plus loin, et elle hésita à s’en approcher. Finalement, à pas de loups, elle s’aventura vers elle et s’asit à ses côtés avec un sourire. « Salut Liam. » dit-elle avec douceur, avant de tourner son visage vers l’horizon. Le vent caressait son visage et ses cheveux, elle sourit et ferma les yeux. La plage, c’était un endroit très agréable à cette heure-ci, été comme hiver. Plus loin, un groupe de surfeurs profitait du calme revenu pour foncer vers les vagues. « Oh, tu veux peut-être que je te laisse seul, tu dois attendre quelqu’un ! » s’exclama-t-elle encore en se relevant. Elle avait besoin de Liam. Primrose avait besoin qu’il lui dise de rester, qu’il lui parle, elle avait besoin de sentir qu’elle n’était pas seule.

Primrose poussa un petit cri de surprise quand Liam l’attira à lui et, terrifiée à l’idée de tomber, elle se raccrocha à lui. Elle rigola et répondit simplement « Merci, c’est gentil. » Elle aussi aimait sa compagnie qui lui faisait du bien, même si on lui avait souvent répété de ne pas trop l’approcher. On l’accusait d’être un pervers, d’avoir un comportement déplacé envers les femmes. Peut-être que c’était le cas, Prim ne le jugeait pas, jamais. Elle ne jugeait pas les autres, parce qu’elle n’aimait pas qu’on la juge elle-même. « Qu’est-ce que tu fais ici tout seul, petite baisse de moral ? Rude journée ? » demanda-t-elle doucement en posant sa tête sur son épaule, le regard perdu dans le vague. Il n’y avait qu’en compagnie de Winston que Prim voyait Liam sourire franchement, qu’elle avait l’impression qu’il se sentait libre et heureux. Elle était heureuse pour ses amis, même si ils n’étaient pas encore ensemble. Tout ce qu’elle voulait, c’était que ce soit le cas. La demoiselle jeta un coup d’œil à la cigarette que tenait Liam et elle s’agenouilla devant lui avant de lui prendre des mains, de la porter à ses lèvres. Elle n’avait jamais fumé avant. Elle retint une toux et les larmes lui montèrent aux yeux, elle la lui rendit. « C’est dégueu. Ça détend vraiment, ce truc ? » Primrose avait besoin de se détendre, mais pas avec ça. Non, ça, elle n’y toucherait plus jamais. Elle s’allongea devant lui et regarda le ciel en silence, silence qu’elle laissa durer quelques minutes. Au fond, ils n’avaient pas vraiment besoin de se parler pour se comprendre. A première vue, Liam et Primrose n’avaient rien en commun. Mais ce qui les avait rapproché, c’était l’amour. Pas entre eux, non, mais leurs histoires passionnées avec les hommes et les femmes, histoires qui finissaient mal en général. « Avec Winston, ça avance ? » se hasarda-t-elle, timidement. Dans ce cas là, elle avait toujours peur de faire une gaffe, de s’aventurer sur un terrain glissant. Mais généralement, Primrose savait se rattraper, car les gens savaient bien qu’elle ne faisait pas ça pour être méchante. Primrose méchante ? Impossible. La gentillesse suintait par tous les pores de sa peau.

Primrose éclata de rire et lui rendit la cigarette sans broncher. « Je ne suis pas aussi coincée que tout le monde semble le penser ! » s’exclama-t-elle joyeusement, l’air faussement vexé. Elle se tut alors pour laisser le silence s’installer de nouveau entre eux. Liam lui expliqua la raison de sa raison ici et elle le laissa expliquer sans l’interrompre, par politesse mais aussi parce qu’elle ne savait pas quoi lui dire. Elle ne comprenait que trop bien ce qu’il ressentait, mais ramener les choses à soi serait tout aussi impoli que si elle l’avait interrompu. Alors elle finit par lui répondre : « Tu sais, quand les choses sont simples, c’est que quelque chose cloche. Et puis plus tu auras de difficultés à t’en sortir, plus tu seras heureux et soulagé au bout du compte. » C’était la philosophie de vie de Primrose Parker, gamine qui ne pleurait jamais, qui se contentait de souffrir, et de sourire, et de se battre sans jamais s’arrêter. Parler de Ronan lui serra le cœur et elle ferma les yeux. « Il m’a posé un lapin, encore un. Je sais pas où il est, il ne me dit plus rien. Alors j’avais besoin de prendre l’air pour réfléchir un peu. » Elle sourit encore, bien que celui-ci paraisse infiniment triste. Prim ne comprenait pas comment ils avaient pu en arriver là au bout de deux ans, alors qu’ils s’étaient cherché, qu’ils avaient joué, s’étaient désiré et finalement avaient fini par céder. Elle ne faisait rien pour le contrarier, et pourtant il s’éloignait toujours plus. Alors quand Primrose finissait par s’éloigner aussi, c’était lui qui revenait la chercher. « Je ne sais plus sur quel pied danser avec lui, ni quoi faire. Ça me rend dingue ! » expliqua-t-elle. Ils en revinrent alors à Winston et Prim fut soulagée de changer de discussion. Elle s’agenouilla devant Liam et le regarda intensément, avant de prendre son visage dans ses mains. « Ecoute, est-ce que tu l’aimes vraiment cette fille ? » Elle hésita un instant et continua : « On ne peut pas changer entièrement ce que l’on est, mais on peut toujours essayer de faire un effort. Si tu tiens vraiment à elle, ça viendra naturellement. Sinon, c’est que tu n’es pas prêt. Mais crois-moi, elle en vaut la peine. » Elle déposa ses lèvres sur son front et relâcha son visage avec douceur.

« Ne joue pas les idiots Liam, tu as parfaitement compris ce que je voulais dire ! » lança Primrose en riant. La jeune fille savait très bien que son meilleur ami se rendait volontairement moins intelligent qu’il n’était et ça l’amusait beaucoup. En fait, elle se demandait constamment s’il faisait ça par pure autodérision ou si il manquait cruellement de confiance en lui. Mais peu importait, elle savait qu’elle avait touché un point sensible et qu’il y penserait vraiment, si ce n’était déjà le cas. « Malgré tout, ne te prend pas trop la tête. Fonce, fais ce que ton cœur te dicte ! Être raisonnable c’est bien, mais on ne ferait jamais rien si on n’écoutait que sa raison. » Elle parlait en connaissance de cause, c’était bien ce qui était arrivé avec Ronan. Primrose hocha lentement la tête quand Liam lui dit exactement ce qu’elle ressentait : qu’avait-elle fait de mal ? Pourquoi s’éloignait-il toujours plus, alors qu’il disait l’aimer ? « Je sais, tu as raison, mais … Je l’ai tellement voulu, tellement attendu … Maintenant, la seule idée d’être loin de lui me terrifie. Lorsqu’il est loin je me sens seule tu comprends, comme si on arrachait une partie de moi. Je sais que je devrais le quitter, j’y pense tous les jours … Mais j’ai tellement peur ! » Un sanglot l’empêcha de continuer. La demoiselle avait peur de se retrouver seule et désemparée, mais aussi et surtout de voir Ronan en compagnie d’autres filles. Cette image la rongeait de l’intérieur, lui faisait faire des cauchemars. Elle prit une grande inspiration et sourit. Prim souriait tout le temps, même quand elle souffrait comme c’était le cas à présent. Mais le rire et le sourire étaient les meilleurs des remèdes, elle ne pouvait le nier. Elle se guérissait toute seule, par son courage et sa volonté. « Je vois, oui. Mais Winston est une fille courageuse qui a traversé beaucoup d’épreuves. Elle sait pertinemment que tu ne seras pas parfait, personne n’est parfait. Tant que tu ne lui fais pas sciemment du mal, elle n’a aucune raison de t’en vouloir. Enfin si, mais elle te pardonnera. Aie confiance en toi Liam, tu n’es pas une mauvaise personne. » Elle déposa ses lèvres sur sa joue et s’allongea de nouveau, observant les vagues avec sérénité. Elle se tut pour écouter les vagues, le cri des mouettes et le rire des enfants, au loin. Ronan … Que faisait-il, en cet instant ? Est-ce qu’il pensait à elle, parfois, comme elle pensait à lui ? Prim sortit son portable et jeta un coup d’œil sur l’écran. 2 nouveaux messages. Prise d’un élan d’espoir, elle les ouvrit … mais aucun n’était de lui. Elle rangea son portable et se mordit la lèvre. « Comment va ta sœur ? » s’enquit-elle.